Projecteurs, symétrie et rotation :
Projecteurs :
Nous entamons ici l’avant dernier point sur les espaces vectoriels. Vous remarquerez que nous ne citons presque plus les mots espace vectoriel, car ce serait une assertion évidente que de préciser que nous travaillons dans ces structures.
Nous allons voir maintenant ce que ce sont : Des projecteurs, la symétrie, et la rotation.
Que pourrions nous voir, intuitivement, lorsqu’on évoque ces trois notions ?
Commençons par la projection.
Tout d’abord, précisons qu’il s’agit bien évidemment de vecteurs. Expliquons intuitivement et schématiquement de quoi il s’agit, et ensuite, nous verrons la définition et les propriétés formelles de cette dernière.
Prenons deux espaces et
, supplémentaires de
, et un vecteur
:

Qu’est ce qu’une projection ? Voici comment nous pourrions la définir sur ce graphe :

Un projecteur n’est rien d’autre qu’une application linéaire. Cette dernière possède en particulier une propriété intéressante. Tout d’abord, voyons la définition formelle :
Soit ,
, tel que
. On appelle
un projecteur, si
et
, par conséquent,
, et si on prend un
, et
, alors
.
Ce que fait le projecteur, c’est qu’il annule la composante du vecteur de .
En fait, on voit très bien à quoi cela correspond graphiquement. On projette, par rapport à l’axe des abscisses, le vecteur, et cela induit nécessairement qu’il se retrouve dans , et on voit bien que sa composante par rapport à
est nulle.
Démontrons maintenant qu’il s’agit bien d’une application linéaire, et même plus précisément, d’un endomorphisme idempotent (Nous verrons en détails ce que c’est).
Prenons et
, deux vecteurs dans
.
Si on fait la somme des deux projections de ces deux vecteurs, on a :
et
On peut tirer quelques propriétés intéressantes de cette application de projection :
. Cette propriété, qu’on appelle « idempotence », est facile à démontrer. En effet, lorsqu’un vecteur est projeté, le projeter à nouveau ne change rien, puisque sa partie dans
est déjà nulle.
C’est très facile à démontrer. On sait que , alors
. Mais
, donc
.
Cette notion se généralise évidemment à .
En fait cette propriété est une implication réciproque, autrement dit, si , alors,
est un projecteur.
La seconde propriété, est que . En effet, le seul moyen d’arriver au vecteur nul de
c’est d’être un vecteur de
. Voyons cela géométriquement :

On voit bien que, la seule projection qui donne le vecteur nul, est la projection d’un vecteur de . Prouvons le néanmoins :
On sait que le noyau d’une application linéaire, c’est un sous ensemble de l’espace de départ qui a pour image, le vecteur nul dans l’espace d’arrivée, or, si (qui est le résultat de la projection), alors nécessairement,
. Mais donc
et donc
, et donc
.
Attention, il faut bien préciser qu’avant la projection, on prend un qui est une décomposition de deux sous espaces vectoriels supplémentaires (
), mais, cela ne veut pas dire qu’avant d’effectuer la projection,
.
parcours
, et c’est pour cela que si
, alors nécessairement,
et
.
Une autre propriété concernant l’image maintenant :. En effet, il n’est pas difficile de voir, que quelque soit le point
, l’image de la projection est tout
. Prouvons le, à travers une double inclusion.
Tout d’abord, montrons que :
Prenons un quelconque. On sait que
s’écrit
, par définition, puisque c’est un élément de
.
Or, , par définition du projecteur. Donc l’image de p est bien dans
, c’est une évidence.
Maintenant, montrons que .
Soit ,
puisque
. Donc,
et par conséquent,
Il y a d’autres façon de définir le noyau et l’image. En fait, on a jusqu’à présent défini le projecteur , de
parallèle à
. Parlons maintenant du projecteur de
parallèle à
. Appelons ce projecteur
et posons ceci :
, soit
. Schématisons ce que cela veut dire :

Quelles sont donc les propriétés qui pourraient découler de ceci ?
On voit bien que .
.
est-il un projecteur ? Voyons cela :
On pose et on vérifie.
Cette application est bien un projecteur, et il est le projecteur de , parallèlement à
.
Voici ce que l’on peut affirmer, et que l’on va démontrer :
Tout d’abord, pourquoi est-ce que ?
Eh bien, on sait que , donc
, autrement dit,
. Or, on reconnait ici le noyau, le noyau de quoi ? Eh bien tout simplement le noyau du projecteur
, puisque
, et donc on a bien
En fait, on peut aisément se représenter ceci graphiquement. En effet, on sait que l’image de , c’est
, or, on voit aussi que le seul moyen d’atteindre le vecteur nul, par le biais de la projection
, c’est forcément d’être sur
, autrement dit, être dans le noyau de
.
A présent, on peut voir très rapidement la seconde égalité, en effet :
On sait que , mais donc
.
Ceci est en réalité exactement la même chose que pour l’image de , à ceci près que la projection est parallèle à l’autre sous espace cette fois, on réfléchit donc dans l’autre sens. En effet, on sait que
, et que
est la projection qui est parallèle à l’espace
. Or, on sait aussi que
est la projection parallèle à
, et donc on voit immédiatement que l’image de
est le noyau de
.
CQFD.
On peut voir les choses autrement…
Une autre façon de voir les choses, est de poser . On sait que
.
On a donc . Mais
, en outre,
, et
, donc
Prenons un exemple un peu velu, mais qui vous permettra de bien comprendre le raisonnement général:
Soit E, un -espace vectoriel, et
, deux projecteurs de E, tel que
.
On considère un troisième application linéaire , tel que
La première question que nous allons nous poser, est de savoir si est un projecteur. Ceci est la partie la plus facile, en effet, il suffit de prouver que
. Alors faisons le :
Donc est bien un projecteur.
Attention,
Ensuite, on veut montrer que . Comment allons-nous faire ?
On va encore procéder à méthode de double inclusion.
Prenons un .
et
.
Donc :
Or, , et
, donc :
Mais donc, et
Maintenant, prouvons l’inclusion réciproque.
Soit . Alors :
. Donc,
. En appliquant
de chaque côté, on voit que :
. Mais donc
. Mais alors,
, mais
, donc
et
.
Par conséquent, et
On peut donc conclure par la double inclusion que
A présent, vérifions que en vérifiant d’abord que
:
Tout d’abord, prenons . Alors on a
et :
(On factorise par
).
On voit clairement que et donc
L’inclusion réciproque maintenant.
Pour montrer que , on va devoir calculer
, pour ce faire, on pose
, tel que
et
, tel que
, avec
On a également , donc :
, or
, mais,
.
Que voit-on ? On sait que , or,
et
, donc
et on retrouve bien la même égalité. Par conséquent,
et donc
Il nous reste à montrer que .
Pour cela, il faut montrer que
Prenons de nouveau un , on sait que
avec
, mais on sait aussi que
puisque
est dans l’intersection de l’image des deux projecteurs. Par conséquent,
.
Maintenant, si on applique le projecteur à nouveau, on a
.
En conclusion, on bien que , et donc,
et ceci conclut notre exemple.
Symétrie :
Le terme symétrie devrait vous rappeler vos années à l’école primaire ou collège, en effet, ce que nous allons voir maintenant, est une vision algébrique, vectorielle, de ce qu’est une symétrie.
Tout d’abord, prenons un exemple graphique très simple d’une symétrie, et essayons de voir quelles propriétés nous pouvons en tirer :

Que vaut (symétrie de
)?
On voit clairement que prendre la symétrie de correspond à définir
est une application linéaire,
et ceci est facile à démontrer.
On dit que l’application symétrique est involutive, ceci veut dire que composer deux fois un vecteur avec cette application renvoie le vecteur lui même.
Autrement dit, , ou
, ou encore
.
Montrons le :
Soit ,
avec
et
, et
. Donc,
On peut facilement se représenter ceci graphiquement. En effet, en prenant une fois le symétrique de , on se retrouve sur
. En prenant à nouveau le symétrique de
, on se retrouve de nouveau sur
:

Essayons à présent de dégager les propriétés concernant le noyau et l’image.
On sait que est un sous espace vectoriel de
et tel que
.
Or, on , donc
.
Vous devriez remarquer quelque chose. Nous ne l’avons pas précisé au début, mais et
sont supplémentaires dans
, par conséquent, sont en somme directe, ce qui veut dire, comme vous le savez, que leur intersection est réduite au vecteur nul. Or, si
, alors
et
.
Qu’en est-il de l’image ? si on s’en réfère au théorème du rang, l’image devrait être entier, puisque que le noyau est réduit au vecteur nul. Prouvons le néanmoins :
On sait que , mais on peut bien évidemment aussi écrire
, on a donc
mais comme
, alors
Il y a une autre façon de définir qui est également une propriété. On sait que
, mais on sait aussi que le projecteur
.
Donc, .
Finissons de voir les propriétés importantes des symétries en voyant les éléments invariants…
Qu’est ce qu’un élément invariant ? C’est un élément qui ne subit pas la transformation, qui reste inchangé après l’application, autrement dit, de la forme .
On pose donc . On voit donc, de manière analogue aux projecteurs, qu’on a
.
est donc dans
, mais que vaut
?
Encore une fois, on sait que et
sont supplémentaires dans
, ceci implique qu’ils sont en somme directe, et donc, que la décomposition du vecteur
est unique. Par conséquent, en décomposant
, on a
.
On peut donc, pour les raisons juste au dessus, écrire et
. Or, on constate que la seule façon pour
, c’est que
.
On peut donc conclure que l’ensemble des éléments invariants
Qu’en est-il de l’ensemble des éléments opposés ? Les éléments qui, lorsqu’on applique le symétrique, renvoient le vecteur ? Autrement dit,
.
C’est très simple, il suffit de poser :. Donc,
. Or, comme plus haut, on voit aisément que
.
Or, on peut calculer , donc, on a
et
.
Par conséquent, et
.
On remarque immédiatement que
Rotation :
Penchons-nous sur un dernier exemple d’application linéaire usuelle et très importante, la rotation.
Avant de définir ce dont on parle, voyons à quoi ressemble une rotation dans le plan :

Plaçons nous dans . Supposons qu’il existe une application
, qui prend un vecteur quelconque
de
, et qui fait effectuer à ce vecteur, une rotation. Que fait l’application
? Pourrions nous expliciter mathématiquement ce qu’il se passe ? Oui.
On sait que le vecteur s’écrit de la forme
.
On connait l’écriture d’un vecteur à travers ses coordonnées polaires :
avec
et
Par conséquent, l’application « » d’un vecteur
quelconque de
peut dont s’écrire comme
Donc, on peut écrire la rotation de comme :
Vous voyez ce qui est possible de faire ? Il faut faire preuve d’astuce… Avant de lire la suite, réfléchissez à la simplification de cette expression.
Il faut se rappeler d’une propriété vue dans le chapitre des fonctions trigonométriques, en effet, nous allons nous servir de la formule de et
. Dans notre expression, cela donne :
On distribue :
On voit qu’on peut remplacer des valeurs par et
, faisons le et réarrangeons les termes :
Nous n’avons pas encore vu les matrices d’application linéaire, mais nous avons nul besoin de les définir pour affirmer que l’application de la rotation vectorielle est linéaire, est un endomorphisme, et se définie comme ceci :