Sommes, sommes directes de sous espaces vectoriels et espaces supplémentaires :
Après avoir vu le lemme de Steinitz, ce que nous allons voir maintenant n’est pas compliqué 🙂
Somme de sous espaces vectoriels :
Qu’est ce que la somme de deux (ou plusieurs) sous espaces vectoriels ? Prenons par exemple et
, deux sous espaces vectoriels de
.
Faire la somme de ces deux sous espaces vectoriels, c’est prendre un élément de l’un, prendre un élément de l’autre, et, tout simplement, écrire la somme.
Par exemple, si on pose , alors
, avec
et
.
La définition formelle de la somme de p sous espaces vectoriels de s’écrit donc :
avec
Attention, il faut bien distinguer plusieurs choses quand on parle de somme de sous espaces vectoriels, ainsi que retenir quelques propriétés, par exemple :
. Il est clair que ce n’est pas du tout la même chose, une union de sous espace vectoriel n’est pas une somme, par exemple, si
et
,
, ce qui n’a rien à voir. Un élément qui est dans
peut très bien n’être ni dans
ni dans
.
Ou encore, siet
, alors
,
, et
n’est ni dans
ni dans
, donc n’est pas dans
pourquoi ? Car, visuellement, on peut très bien voir que
ne se situe sur aucun des deux axes.
En fait, pour que l’union de deux sous espaces vectoriels soit stable par la loi de l’addition, il faut que l’un des sous espaces vectoriels soit inclus dans l’autre et que, si, alors,
,
tel que
.
- La somme de deux sous espaces vectoriels de
est aussi un sous espace vectoriel de
.
Somme directe de deux sous espaces vectoriels :
La somme directe de deux sous espaces vectoriels (ou plus) est la somme de deux sous espaces vectoriels, tel que le résultat de la somme possède une unique décomposition de ces deux sous espaces. La somme directe de deux sous espaces vectoriels par exemple, s’écrit :
.
Qu’est ce que cela veut dire ? En fait, on pourrait en quelque sorte faire une analogie avec la nuance entre une base et une famille génératrice d’un espace vectoriel. Nous avons vu que si on considère un vecteur quelconque d’un espace vectoriel, alors, ce vecteur peut être décomposé de plusieurs manières à travers une famille génératrice, mais de manière unique à travers une base.
Ici, l’idée, c’est de prendre le résultat de la somme de deux sous espaces vectoriels, et si ces deux espaces vectoriels sont en somme directe, alors, la décomposition de cette somme est unique. Définissons ceci formellement et illustrons avec un exemple.
Pour que la somme de deux sous espaces vectoriels soit une somme directe, il faut qu’elle réponde à deux propriétés :
La première :
,
, tq
Et ensuite :
Il n’y nul besoin de démontrer l’existence, puisqu’on a affirmé plus haut que la somme de deux sous espaces vectoriels s’écrivait trivialement comme la somme des éléments des ces deux espaces vectoriels. En revanche, il faut démontrer l’unicité de la formule, et la réduction de l’intersection de ces deux sous espaces vectoriels au vecteur nul.
En fait, ce que nous allons faire, c’est procéder en deux étapes. La première va être de supposer la propriété vraie et démontrer l’implication de la deuxième. La seconde étape sera la méthode « contraposée ».
Tout d’abord, on va montrer l’unicité de l’écriture en supposant que
Supposons qu’on prenne un vecteur , résultant de la somme de
et de
et qu’il puisse s’écrire de deux manière différente. Dans ce cas :
Donc , mais s’écrit aussi
.
En faisant la différence des deux, on a .
Donc :
On passe le deuxième terme de l’autre côté :
.
Comme souligné, on sait que est dans
puisqu’il s’agit de la somme de deux éléments de
. Pareil, et pour les mêmes raisons,
est dans
. Or, si un élément de
= un élément de
, alors cet élément est dans
, mais on a supposé que
. Par conséquent :
et
, donc
et
.
Il y a donc bien unicité de la décomposition ! Et donc et
sont bien en somme directe.
A présent, montrons que la contraposée est vraie.
Supposons que et
sont en somme directe et que ceci implique que
. Ceci est très rapide. Sommes nous d’accord que
, peut s’écrire de la manière suivante :
. Cependant, il peut aussi s’écrire comme ceci :
.
Mais alors :
Mais, on sait qu’il y a unicité de l’écriture puisqu’on l’a supposé préalablement, ce qui veut dire que chacun des termes dans les deux expressions doivent forcément être les mêmes, et donc forcément, le , et le
, donc
.
Donc, l’intersection entre et
est réduite au vecteur nul, ce qui veut dire que
est bien en somme directe avec
, et les deux implications sont démontrées.
Exemple :
Soit , l’espace vectoriel
et
, et
, deux sous espaces vectoriels de
, tel que :
, avec
et
avec
. Ces deux sous e-v sont ils en somme directe ? Commençons par voir si l’intersection de ces deux sous espaces est le vecteur nul :
Soit , un vecteur de
, alors
On voit bien que et donc l’unique vecteur dans l’intersection est le vecteur nul
, par conséquent,
et
sont en somme directe.
Somme directe de sous espaces :
Contrairement à la somme directe de deux sous espaces vectoriels, il ne suffit pas de prouver que pour prouver que les
sous espaces vectoriels soient en somme directe.
En effet, on peut prendre un exemple :
Soit , l’espace vectoriel
, et soit
,
et
.
Il est clair que ,
et
, mais il n’y a pas unicité de la décomposition d’un vecteur
, en effet :
, mais
.
Pour montrer que sous espaces vectoriels sont en somme directe, la méthode est simple, il faut prendre un élément de chaque sous espace vectoriel, faire la somme, et montrer que si le résultat est nul, cela implique que tous les vecteurs sont nuls.
Autrement dit :
Soit un espace vectoriel , et
sous espaces vectoriels
, et soient
. Alors,
si et seulement si
implique
.
En revanche, on peut se servir d’une autre propriété de l’intersection pour montrer que sous espaces vectoriels sont en somme directe, en effet :
Qu’est ce que cela veut dire ?
Cela veut dire, que, sous réserve que les premiers sous espaces vectoriels, deux à deux distincts, sont en somme directe, alors,
.
Pourquoi l’indice ? En fait, il faut s’assurer que les intersections des sous espaces vectoriels
deux à deux, sont distinctement réduites au vecteur nul, ce qui veut dire que si on fixait par exemple
, il faudrait prouver que
, ensuite, que
, et pour finir que
.
Démontrons ceci. Supposons tout d’abord que la somme soit directe. Alors, dans ce cas là, la définition dit que . Raisonnons par l’absurde et supposons un élément
avec
Alors, on a :
. donc
Or, 0 s’écrit de manière unique comme somme d’éléments de avec
. Donc,
.
Sous espaces supplémentaires :
Nous avons vu les sommes directes, à présent, nous allons voir ce que c’est qu’un sous espace supplémentaire. Un sous espace est supplémentaire lorsqu’il est en somme directe avec un autre sous espace, et génère l’espace vectoriel entier.
Autrement dit, deux sous espaces vectoriels et
de
sont supplémentaires si et seulement si :
Il y a plusieurs solutions pour démontrer que deux sous espaces sont supplémentaires, mais tout d’abord, écrivons la définition pour mieux appréhender la notion :
Première méthode : Par analyse synthèse. Qu’est ce que cela signifie ? Prenons un exemple.
Soit et
deux sous espaces de
Nous allons démontrer que
Supposons , et supposons
et
, et tel que
s’écrirait
. Si
alors
. Mais alors
peut s’écrire de la forme :
.
, donc
et
donc
donc
Si on rassemble les termes, on a :
On a donc le système suivant :
Ensuite :
Donc :
Nous avions supposé l’existence, et nous venons de montrer que si existence il y a, il y a unicité de l’écriture.
On peut donc écrire n’importe quel polynôme de degré inférieur ou égal à deux tel que :
La conclusion est qu’une telle décomposition existe, et . Puisque la somme de
et
est l’espace vectoriel lui même, cela veut dire que tout vecteur de cette somme génère cet espace. Par conséquent, les deux propriétés sont vérifiées, et
sont bien supplémentaires de
.
Deuxième méthode : La seconde méthode consiste à démontrer deux propriétés. Ces deux propriétés sont :
Si ces deux propriétés sont vraies, alors les deux sous espaces vectoriels et
sont supplémentaires.
Alors pourquoi est-ce le cas ? Souvenez vous, pour montrer que deux espaces et
sont égaux, il faut montrer que :
et
Etant donné que la somme de est déjà dans
, nous avons déjà la propriété d’inclusion. Donc, pour montrer l’égalité, il suffit de montrer l’égalité des dimensions, or, la dimension d’une somme, lorsque les espaces sont en somme directe, est la somme des dimensions.
Ceci se base sur la formule de Grassman :
Voici sa démonstration :
Soit,
Tout d’abord, supposons
On va donc décomposer cette base en la base de
On va reconstituer une base de
On va devoir montrer que cette famille de vecteurs est génératrice et libre de
Le plus simple est de commencer par montrer que c’est une famille génératrice. Si elle est génératrice, cela veut dire que si
Donc, si on rassemble certains coefficients :
Eh bien on voit clairement que tous les coefficients sont non tous nuls, et que l’élément
Montrons maintenant que c’est une famille libre. C’est le cas si :
Alors :
Ces deux éléments sont égaux, donc ,forcément, nous sommes dans
Donc il existe des
Que remarque t-on ? On remarque que le terme de gauche n’est autre qu’une base de
Par conséquent,
C’est presque terminé…
Revenons à notre égalité de départ, dans laquelle nous pouvons retirer les
Mais qu’est ce que le terme de droite ? C’est une base de
Pour finir, et en servant des propriétés qui lient bases et dimensions, à savoir, que la dimension d’un espace vectoriel est égale au nombre de vecteurs de sa base, on peut conclure que :
Si
Donc, lorsque l’intersection est réduite au vecteur nul, et que la somme des dimensions des sous espaces est égale à la somme de l’espace vectoriel entier, alors les espaces sont supplémentaires.
Troisième méthode : La juxtaposition des bases des sous espaces vectoriels.
En effet, si vous arrivez à montrer que la juxtaposition d’une base d’un des sous espaces avec une base de l’autre forme une base de l’espace vectoriel de référence, alors nécessairement, vous avez montré que les deux sous espaces sont supplémentaires.
Par exemple, prenons deux sous espaces et
de
, tel que
, une base de
et
,
une base de
Tout d’abord, réfléchissons. Que savons de l’énoncé, et que savons nous des propriétés d’une base ? Nous connaissons une base de et une base de
, ceci est une très bonne chose car si nous voulons montrer que
est une base de
, nous n’avons pas besoin de montrer que c’est une famille génératrice, pourquoi ? On sait qu’une base de
est forcément composée de 3 vecteurs, mais en juxtaposant les bases de
et de
, nous avons 3 vecteurs. Si nous arrivons à montrer que ces 3 vecteurs forment une famille libre, alors nécessairement, c’est une base de
. On pose donc :
Il n’est pas nécessaire de poser le système pour voir que tous les coefficients sont nuls, et par conséquent, que la famille est libre. Si elle est libre, alors c’est une base de , si c’est une base de
, alors
et
sont supplémentaires.