Interaction faible

Bonjour, nous allons voir ici ce qu’est l’interaction faible. C’est probablement la force fondamentale la plus étrange des quatre forces. En effet, cette force n’a pas réellement d’effet d’attraction ou de répulsion de telle ou telle particule ou corps avec un autre, mais est plutôt responsable d’un effet de transformation de la matière.

Une autre caractéristique de l’interaction faible par rapport aux autres interaction est qu’elle possède trois médiateurs au lieu d’un (c’est également le cas de l’interaction forte qui comporte 8 gluons). Le Boson W+, le boson W- et le boson Z0, dont nous expliquerons évidemment les rôles plus en détail.

Cette interaction est responsable de la désintégration radioactive beta et de la fusion nucléaire dans les étoiles, de ce fait, et pour mieux comprendre les mécanismes de l’interaction faible, nous nous pencherons sur les différents types de radioactivité.

Tout d’abord, qu’est ce que la « radioactivité » ? C’est le phénomène physique par lequel des noyaux atomiques instables (qu’on appelle radionucléides ou radioisotopes), se transforment spontanément en d’autres nucléides en émettant simultanément des particules de matière (électrons, neutrons, noyaux d’hélium etc…) et de l’énergie (photons et énergie cinétique).

L’énergie des particules matérielles et énergétiques émises sont ce que nous appelons « rayonnement ionisant », car ces rayons sont suffisant pour ioniser la matière, c’est à dire modifier la structure électronique de cette dernière, en y arrachant les électrons de leurs orbitales atomiques par exemple.

Il existe 4 radioactivités naturelles et une engendrée par l’homme (par fission) 3 types de rayonnement issus de la radioactivité (alpha, beta et gamma), et il existe une multitude de mode de désintégration d’un noyau (émission d particules alpha pour les noyaux très lourds, émission de particule beta pour excès de proton ou neutron, capture électronique, fission spontanée, émission de neutron), mais ici, nous ne parlerons que de deux d’entre elles, une autre rubrique sera consacrée à la radioactivité alpha et la fission de l’uranium.

  • La radioactivité β+ (beta +) :

Lorsque le noyau présente un excès de proton, une émission β+ se produit, le proton d’un atome (noyau père) se « transforme » en un neutron dans cet atome qui en devient dès lors, un autre (noyau fils) . A l’issu de cette transformation, un positron est émis ainsi qu’un neutrino pour expliquer l’équilibre des charges électriques et leptoniques.

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  • La radioactivité β- (beta -) :

De même qu’une émission β+, une émission β- est un noyau père en excès de neutron qui se transforme en noyau fils en émettant deux leptons un lepton et un anti-lepton, cependant cette fois, le proton se transforme en neutron, et un électron est alors émis accompagné d’un antineutrino.

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Ce modèle de la radioactivité beta est juste, mais toutefois incomplet. En effet, rien n’explique a priori comment un tel procédé peut avoir lieu, comment un hadron peut-il spontanément changer de charge ? Qu’est ce qui provoque la radioactivité beta ? La réponse est l’interaction faible. L’interaction faible fut décrite pour la première fois dans les années 1930 par Enrico Fermi, il s’en servit pour expliquer la désintégration beta du neutron, mais cet interaction était une interaction de contact reliant 4 fermions. La radioactivité beta est à l’origine de la nucléosynthèse dans les étoiles (du moins pour la première étape, quand deux noyaux d’hydrogène se rencontrent pour fusionner en un noyau de deutérium convertissant au passage un proton en neutron, le reste des réactions sont l’oeuvre de l’interaction forte), elle rend également possible la conversion du noyau de carbone 14 en azote 14.

Cette interaction entrera dans le formalisme de la théorie quantique des champs, dans la théorie électrofaible, faisant intervenir 3 bosons, deux chargés et un neutre. A présent, expliquons les rôles des bosons de cette interaction faible. Il en existe trois. Le boson W+, W- et Z0.

Il est également à noter que l’interaction faible viole certaines symétries (CP par exemple que nous détaillerons plus tard), et n’agit que sur les particules d’hélicité gauche et les anti particules d’hélicité droite (notion que l’on expliquera plus tard) et non sur les particules d’hélicité droite. L’interaction faible s’est donc tout d’abord manifestée sous la forme de courant chargé (changeant l’identité des particules), mais le modèle de Galshow, Salam, Weinberg prédit des courants neutres.

Les bosons W+ et W- sont à l’origine de la radioactivité beta. Lorsqu’une désintégration nucléaire se produit sous la forme d’une transformation d’un proton en neutron par exemple, il se passe quelque chose via l’effet de l’interaction faible. En effet, au niveau plus fondamental, au sein des baryons, particules composites, constitués de trois quarks, l’un d’eux émet un boson W chargé et change l’identité de l’émetteur.

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Désintégration d’un quark down au sein d’un neutron en quark up obtenant un proton

Nous voyons sur ce schéma (Diagramme de Feynman) que le procédé résultant de la radioactivité beta provient en réalité du changement de saveur d’un quark. (d’un quark down en up par et vice versa pour un bosons W-).

De cette transformation précise est émis un boson W-, particule de laquelle nous sommes longtemps passé à côté, jusqu’en 1983 au CERN, ou elle fût observée pour la première fois. Les raisons pour lesquelles les scientifiques sont passé à côté de ces particules ? Leur vie extrêmement courte, de l’ordre de 3.10^-25 secondes (pour les bosons W- et W+). –> la particule émise, le W- est virtuel, c’est pour ça que l’on ne peut pas la détecter directement, tout comme les photons émis virtuellement pour l’interaction électromagnétique. Il a fallu convertir l’accélérateur le plus puissant du monde, à l’époque, c’était le Super Synchroton à proton du CERN en un collisionneur de proton et d’anti-proton, afin de synthétiser les bosons dont la masse était prédite par le modèle GSW en 1969 (80 et 90 GeV).

Contrairement aux autres bosons, les bosons W+ et W- ont une charge électrique. Ceci est normal, en effet,  étant émis lors du changement de saveur d’un quark et émettant à leur tour des leptons (électrons, muons, kaons etc…) lorsqu’ils disparaissent, ils sont eux même soumis au principe de conservation de la charge électrique, et se doivent donc de transmettre cette charge. Il est également intéressant de noter que les bosons W+ et W- sont eux même leur propre antiparticule ( Le boson W+ est l’antiparticule du boson W-).

Une autre chose importante au sujet de ces bosons et qui est d’ailleurs assez surprenante,  c’est leur masse, ce qui explique la portée très faible de l’interaction faible. Les bosons W ont une masse de 80.4 GeV, ils sont 80 fois plus lourds qu’un proton, et sont même plus lourd qu’un atome de fer… D’ailleurs, cette masse impressionnante est la raison même qui limite la portée de leur interaction à la taille d’un proton (10^-18m), en effet, la portée de l’interaction faible est très réduite, comparativement, les photons, vecteurs de la force électromagnétique, ont une masse hypothétique nulle, ce qui explique en partie la portée infinie de l’interaction. Les gluons eux aussi sont supposés avoir une masse nulle, mais la très faible limite de la portée de la force de couleur l’est pour une autre raison (le confinement des couleurs, dont nous discutons dans la rubrique consacrée à l’interaction forte).

Voici l’exemple de désintégration radioactive pour le cobalt 60 en nickel avec émission de deux leptons (électron et antineutrino) dans un schéma traditionnel de désintégration beta :

Nous savons, d’après ce que nous avons pu voir plus haut, qu’on peut également le schématiser de cette manière plus générale :

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Cependant, nous savons maintenant que le procédé n’est pas complet, car il manque le boson responsable de cette transformation. Voici un schéma simple, mais différent, prenant en compte l’interaction du boson de jauge W :

{\mathrm {n}}~\to ~{\mathrm {p}}\,+\,{\mathrm {W}}^{-}~\to ~{\mathrm {p}}\,+\,{\mathrm {e}}^{-}\,+\,{\mathrm {{\bar \nu }_{e}}}

Dans ce schéma, nous avons rajouté le boson à travers lequel le processus de transformation de la matière prend forme, et qui est le le vecteur à travers lequel l’interaction faible se manifeste. On peut constater qu’avant l’émission des leptons/antileptons, le boson W- apparaît et est à l’origine de leur émission.

Avant de passer à une description des bosons Z, expliquons brièvement comment la découverte de ces derniers ainsi que des bosons W fût faite. Ils furent découverts au CERN, ou conseil européen pour la recherche nucléaire.  Dans ce que l’on appelle un accélérateur de particules, des particules chargées sont accélérées et envoyées à des vitesses quasi relativistes (proche de la vitesse de la lumière) sur des corps obstacles, qui résulte en des collisions à haute énergie. Lors de ces collisions, des particules sont créées (nous verrons plus tard la relation avec la formule d’Einstein « E=Mc² »). Un groupe de scientifiques décida un jour, de tenter une expérience un petit peu différente; créer une collision entre deux groupes de particules, tous deux se déplaçant dans le sens opposé à l’autre groupe. Grâce au confinement d’un champs magnétique, ils mirent en mouvement un flux de protons dans une direction, et un flux d’antiprotons dans l’autre, afin d’observer les conséquences de leur collision. Comme prévu, après des mois de travail et une préparation optimale, le boson W fut observé, suivit de près par le boson Z. En réalité, ces particules sont tellement éphémères qu’elles ne laissent aucune trace dans nos détecteurs. Nous expliquerons ultérieurement comment il est possible de découvrir des particules que l’on ne détecte pas.

Qu’est ce donc que ce fameux boson Z ? Enrico Fermi, dans les années 30, Glashow Salam et Weinberg prédisent en 1969, en plus des bosons W, un autre boson, qui est à l’origine de phénomènes tels que les courants neutres. Ce troisième boson est nécessaire pour des raisons de symétrie provenant de la théorie des groupes. Ces courants, entre autre chose, seraient responsables des modifications de trajectoires apportées aux neutrinos et également des particules ayant interagit avec, et ce sont ceux là qui sont mis en évidence.

Dans un cadre plus précis, nous pouvons affirmer que le boson Z sont responsables de l’absorption et de l’émission des neutrinos et antineutrino (les neutrinos n’étant pas chargés, on suppose qu’ils sont leur propre antiparticule). Les neutrinos n’interagissent avec presque aucune matière ni énergie, ils ne sont ni affectés par l’interaction forte ni par la force électromagnétique, et la force gravitationnelle étant négligeable à cette échelle, seule la force nucléaire faible est responsable de leur interaction. Pour la découverte des courants neutres, il faut voir l’expérience Gargamelle conçue en 1973 pour les mettre en évidence. Il s’agissait d’envoyer une source de neutrinos sur un détecteur, et de voir la diffusion d’électrons, qui ont interagit par courant neutre avec les neutrinos. Quand la source est éteinte, il n’y a pas d’électrons émis, et quand la source fonctionne, les électrons sont éjectés dans une direction compatible avec l’énergie du faisceau de neutrinos. Nous pouvons également rajouter qu’un électron ne peut pas être créé à partir d’un nucléon (noyau d’atome), et n’est pas modifié hormis par l’impulsion du neutrino, avec lequel il n’interagit pas autrement que de cette manière, il est donc nécessaire que cette interaction faible entre un électron et un neutrino soit régie par un boson électromagnétiquement neutre, ce qui explique le besoin d’existence de cette particule en question, le boson Z.

Comme nous le disions, le boson Z n’interagit pas avec la majorité des particules, si ce n’est pour modifier la quantité de mouvement de ces dernières. Ceci est dut au fait qu’ils portent une charge nulle. Ils ne sont pas facile à observer, car ils nécessitent des accélérateurs très performants,  et les phénomènes dans lesquels ils sont le plus susceptible d’être observés, sont des phénomènes qui impliquent l’annihilation de particules antiparticules. Il peut aussi y avoir aussi échange de bosons Z, lorsqu’un neutrino entre en collision avec un hadron par exemple, la quantité de mouvement du neutrino étant changée par cet échange. Il faut insister sur le fait que, du fait de sa charge nulle et du principe de conservation de la charge électrique, le boson Z, lorsqu’il se désintègre, une faible chance est qu’il produise des paires leptons-antileptons, mais dans la plupart des cas, il s’agit de paires quarks-antiquarks. En fait cela s’explique par le fait que les leptons sont en nombre de 6, mais pour les quarks, il y a également 6 saveurs, mais chacun comportant 3 couleurs, ce qui fait 3 fois plus de possibilités.

La désintégration du boson Z en une paire neutrino-antineutrino fût une brique fondamentale de notre compréhension de l’interaction faible ainsi que pour le modèle standard de la physique des particules lui même.

Voici un autre schéma qu’on appelle « Diagramme de Feynman », en hommage au physicien des particules Richard Feynman, cette fois ci, qui représente la désintégration du boson Z :

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